« L'Edec a permis de créer des outils collectifs, des coopérations et d'alimenter une vision prospective », assure Valérie Sort, directrice générale d'Akto. « C'est un outil pour accompagner la politique formation des branches, un outil d'aide à la décision », ajoute Thierry Teboul, son homologue à l'Afdas. Avec un objectif rappelé par Cécile Martin, directrice de projet JOP Paris 2024 au ministère du Travail : « répondre aux enjeux de qualification et de recrutement dans les 19 branches concernées, en faisant en sorte qu'une partie de ces opportunités bénéficient aux publics éloignés de l'emploi ». De quoi nourrir une intense réflexion, au sein des branches dont certaines affichent aujourd'hui de nombreux postes à pourvoir...
Des secteurs différemment concernés Entre 15 000 et 20 000 agents à pourvoir dans la sécurité privée, une baisse de 15 % des effectifs de techniciens dans le spectacle vivant par rapport à l'avant-Covid, plus de 300 000 personnels manquants pour les hôtels-cafés-restaurants (HCR)... En cause, des facteurs multiples, parfois corrélés : profession règlementée (sécurité), conditions de travail, impacts de la crise sanitaire, méconnaissance des métiers, manque de perspectives... Le constat est rude, mais les esprits lucides. Cédric Paulin, secrétaire général du GES, l'affirme : « Nous devons donner des perspectives aux salariés. Pour cela, la branche s'est investie dans le référentiel du BTS Management opérationnel de la sécurité. Nous construisons des certifications de compétences complémentaires pour offrir de meilleures rémunérations aux salariés et des prestations de qualité. » Vincent Sitz, restaurateur et président de la commission formation du GNI, suggère : « Les nouveaux salariés veulent du sens. Sinon, ils partent... Il y a une vraie révolution à mener dans l'hôtellerie-restauration, au niveau du management et de l'organisation du travail ».
Des compétences clés Les compétences acquises pendant les JOP 2024 intéressent tout le monde : maîtrise des langues, capacité à accueillir des visiteurs, capacité à gérer des flux, des conflits, etc. « Ces compétences seront immédiatement transférables dans un cinéma ou des sociétés de loisirs, plus modestes qu'un stade », estime Jean-Pascal Denis, DRH d'UGC. Un constat partagé par Fathia Gueucier, responsable recrutement du Parc Astérix, qui souhaite « profiter de l'opportunité des JO pour avoir un vivier de personnes formées, sur un bassin d'emploi proche du parc ». Idem pour Thierry Boukarabila, représentant de la FGTA-FO et membre de la CPNE Hôtels-Cafés-Restaurants : « Nous attendons 21 millions de visiteurs, 13 millions de spectateurs, 20 000 journalistes et 10 500 sportifs de haut niveau. On ne pourra pas s'exonérer de la maîtrise des langues. Ce n'est pas du recrutement de masse qu'on va faire, mais du recrutement ciblé, de qualité. »
Attirer, former, fidéliser Pour recruter, chacun déploie une stratégie : sensibilisation des conseillers Pôle emploi aux spécificités des métiers, campagne de communication digitale dans le cadre de l'Edec pour la prévention sécurité, mais aussi recours à la POEC avec Pôle emploi, mobilisation de l'alternance dans le spectacle vivant pour « combler les brêches » laissés par la Covid, et élargissement du sourcing. « Les Jeux offrent l'occasion de diversifier notre recrutement, d'aller chercher un nouveau public et de le former via l'alternance ou les GEIQ » (*), estime Stanislas Surun, directeur associé DRH de Magnum et vice-président de la CPNE du spectacle vivant. À condition que les organismes de formation aient des financements adéquats, notamment en matière d'apprentissage, alerte-t-il. « Il y a un trop grand écart entre les objectifs à atteindre et les moyens financiers accordés par les pouvoirs publics, c'est un point névralgique pour répondre à Paris 2024 ». À condition aussi que le besoin de former rapidement ne soit pas l'occasion « de créer des certifications au rabais », comme le craint Florent Lecoq, représentant CGT dans la branche de la prévention sécurité, qui mentionne « une future certification de 106 heures pour exercer dans la sécurité (contre 175 heures aujourd'hui), limitée dans le temps et ne permettant pas une poursuite de parcours. » Pour Thierry Boukarabila, « la fidélisation passe par la formation. Le secteur de la restauration - 91 % des entreprises emploient moins de 10 salariés - doit offrir des perspectives d'évolution, via les blocs de compétences. » L'enjeu est de taille : « Pour gagner la bataille de l'attractivité, il faut agir sur la rémunération, les conditions de travail et la formation. Nous devons raisonner en termes d'employabilité des salariés dans toutes les entreprises du secteur ». Cette réflexion infuse... Sans formation, pas de parcours, une notion qui dépasse aujourd'hui l'idée de « carrière ». Pour des salariés mobiles, en quête de sens, la passion est un ressort mobilisable... Aymeric Vincent, DRH du groupe Les Échos-Le Parisien et président de la CPNE de la presse et des agences de presse, le sait : « Plus que de journalistes, un métier passion, notre secteur a besoin de spécialistes du développement et de la data. Quoi de mieux que les JOP, qui nécessitent engagement et curiosité, pour développer des compétences dont nous avons besoin ? » De toute évidence, pour Jean Hédou, président du conseil d'administration d'Akto : « Nous n'avons pas le choix : les JOP, on doit les réussir. La charte sociale des JOP, nous impose de développer et favoriser l'emploi durable. À nous, acteurs paritaires, de tout mettre en œuvre pour nous inscrire dans l'héritage social des JOP ». L'espoir est permis : Isabelle Gentilhomme, vice-présidente de l'Afdas, salue d'ores et déjà la « capacité des branches à travailler ensemble et à se mobiliser pour l'après JOP. »
(*) : groupements d'insertion pour emploi et la qualification
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